À l’aide de toutes les configurations visibles-conscientes et invisibles-inconscientes qu’il peut trouver dans le fonctionnement de l’esprit ordinaire[1], l’Ego-Tyran mène une guerre infatigable et permanente contre toute activité de conscience susceptible de remettre en question son pouvoir directeur.
La régularité, la ritualisation en conscience d’éveil de certaines activités du Travail Intérieur deviennent ainsi les premières victimes de l’activité égotique. Face à la régularité des séances de méditation assise, des dialogues et des entretiens, des marches de méditation rituelles le matin en stage, des mantras récités et chantés, ou toute autre activité du même genre, l’Ego-Tyran marque son pouvoir en persuadant chaque fois que possible le pauvre ‘Chercheur de Vérité’ que je suis d’ajourner, de reporter, de différer, d’éviter ou encore mieux d’annuler complètement n’importe quel moment qui devrait être consacré au T.I.
L’Ego-Tyran ne tolère que la régularité et la ritualisation aveugle de sa bureaucratie personnelle[1]. La ritualisation en conscience est par définition hautement suspecte pour ‘lui’ parce qu’elle induit de véritables transformations biologiques dans des conditions actualisées de liberté spirituelle qui par définition, échappent à son emprise.
Toute pause de conscience qu’il n’aurait pas lui-même inventée, au même titre que toute activité qui ne passe pas par son contrôle paranoïaque et sa puissance de banalisation et de stérilisation sécuritaire symbolise en vérité la contestation rituelle de sa puissance.
Lorsqu’un(e) praticien(ne) du T.I. programme dans son agenda une activité régulière consacrée au T.I., cela peut être aussi ‘petit’ que 5 minutes de méditation le matin au réveil, ou encore une pause de respiration ventrale consciente de 3 minutes chaque heure. Mais aussi 10 minutes pour noter vraiment les rêves avant d’enclencher la vitesse «Stress ordinaire», ou encore une heure d’entraînement de Massage du Calme Mental, voire pour les chefs d’entreprise 3 heures de break mental à l’heure de midi sur une semaine encombrée d’ennuis quotidiens qui compte au moins 7 fois 16 heures disponibles (hors celles de sommeil), etc.,
La personne qui fait cela programme en réalité une véritable confrontation avec ses configurations mentales égotiques, analogue à un épisode de guerre sur le mode de prévention du terrorisme et du sabotage.
Les nouvelles obligations qui se présentent dans le monde ordinaire sont toutes décrétées par l’Ego-Tyran plus importantes les unes que les autres, (un rendez-vous incontournable, un dîner ou une soirée bof-mais-je-dois-y-aller, un déjeuner professionnellement indiscutable, une visite familiale imprévue mais extraordinaire, la gestion nécessaire et incontournable des enfants, un RDV inévitable de dernière minute, trop de travail cette semaine, j’ai été débordé, etc.,). Tout cela peut être jugé vrai et l’est d’ailleurs le plus souvent. Mais la question n’est pas là.
Tant que le Travail Intérieur ne réclame qu’un effort d’attention au cours du travail extérieur, l’Ego-Tyran s’en accommode car son pouvoir dans le monde ordinaire, sur les activités et sur le langage courants ne sont pas menacés. Mais il va déployer toute son efficacité de protestation dès qu’il va s’agir pour ‘moi’ d’imposer dans l’emploi du temps courant une activité rituelle programmée pour ‘me’ donner de l’espace-temps de conscience dans une existence ordinaire déjà saturée.
Le fait de noter par écrit ce qui s’est passé dans une séance de méditation, une rencontre de dialogue, un entraînement de massage ou de yoga, le fait de faire constamment attention aux formulations du langage courant, etc., sont des étapes essentielles de la prise de conscience[2]. Chaque fois que je ‘rate’ cette étape, je perds un combat contre mon Ego-Tyran personnel, mais pas seulement; en plus, il le gagne!
En termes énergétiques, chaque affaiblissement de mon entraînement renforce en même temps sa puissance d’opposition dans les mêmes proportions. Ça ressemble à une sanction de police: non seulement il y a une amende, mais en plus il y a des points en moins.
En termes neurobiologiques, l’entraînement régulier se traduit par l’alimentation énergétique normale des neurones, le maintien de l’activité des connections synaptiques, et la création de nouvelles synapses destinées à faciliter lesdites activités rituelles, et génère un plaisir lié à l’accroissement du sentiment de savoir-faire. Le défaut d’entraînement affaiblit les synapses – comme une ‘musculature mentale’ -, n’entretient pas la mémoire cellulaire, gestuelle et comportementale et renforce des sentiments d’incapacité, d’impuissance, voire d’inutilité et de désespoir; elle rend donc chaque reprise du Travail Intérieur plus difficile.
Aux niveaux collectifs extérieurs et visibles, la religion est l’opium du peuple, comme disait Karl Marx en 1844, mais au moins, ça se voit parce que c’est ‘dehors’. À mon niveau individuel intérieur et invisible, mon Ego-Tyran est mon dealer de misère, d’ignorance, de frustration et de souffrance permanent, mon fournisseur personnel d’héroïne, d’alcool et de crack mentaux. Tant que je ne lui ai pas déclaré une guerre sans pitié, sans faiblesse ni relâche, il pilote en secret mon Travail Intérieur et ‘je m’interroge’ de temps en temps pour savoir si vraiment, j’ai fait des progrès, car je ne peux que «déplorer d’en être encore là». Et le temps passe comme ça…
La lutte contre les stratégies de l’Ego-Tyran demande de la régularité, de la conscience et de l’intelligence. Elle est difficile parce que chacune de ses manifestations est également issue de notre propre activité mentale. C’est pourquoi la ‘table’ du Travail Intérieur efficace a toujours reposé sur 4 ‘pieds’:
1°) L’information:
La lecture des méthodes du T.I. sur le blog répond à cet aspect intellectuel. La lecture des ouvrages classiques aussi. Le fait de décrire et de noter systématiquement les perceptions, les idées, et tous les contenus de l’activité mentale le plus souvent possible également[2]. Revenez au vocabulaire[3] chaque fois que nécessaire, posez-nous vos questions, et ne laissez rien à la traîne. L’Ego-Tyran se servira de toutes vos paresses et carences pour fabriquer des inquiétudes, des peurs et des angoisses.
2°) L’entraînement:
C’est le nécessaire travail personnel de mise en œuvre répétitive intérieure et extérieure des techniques et méthodes qui ont été écrites et publiées. Avec et sans guide, il doit être pratiqué. L’Ego-Tyran se régale lorsque quelqu’un cesse ou évite de pratiquer les activités rituelles non intellectuelles. L’absence d’entraînement ne produisant aucune intégration ou modification cellulaire, il a beau jeu de dire: «Tu vois bien, ça ne sert à rien de faire tout ce que tu fais.» En réalité, tout a été pensé, mais rien n’a été fait. Frustration et colère assurés!
3°) L’apprentissage:
Se fait en relation/présence nécessaire et avec l’assistance directe d’un(e) guide-enseignant(e) qui doit savoir faire, savoir dire et savoir enseigner. Cette transmission vivante représente un espace-temps d’humanité et de contact corporel vivant qui ne passe ni par les mots, ni par l’intellect. C’est une question de sensation, de sentiment, d’intelligence pratique, de silence et de Calme Mental. Lorsque le guide disparaît, l’accès vivant à l’enseignement s’affaiblit.
4°) L’environnement:
Se trouve dans un atelier, d’un groupe de travail, de compagnes et compagnons avec lesquels discuter à propos des textes, s’entraîner et pratiquer ensemble. Les Séminaires Diamant qui ont lieu en fin d’automne et les Stages de Conscience Corporelle du Clown qui ont lieu désormais 4 fois par an ont pour objet d’unir périodiquement ces 4 dimensions essentielles de la pratique du T.I.
Lorsqu’une seule de ces 4 dimensions fait complètement défaut dans la vie d’une personne, il ne faut pas s’étonner que sa vie aussi lui fasse défaut. Et la souffrance qui accompagne cette réalité constitue toujours une victoire de l’Ego.
Comment utiliser cette connaissance dans votre vie?
D’abord, en intégrant comme une règle de base de votre fonctionnement que, contrairement à ce qu’il vous raconte, votre esprit ordinaire ‘conscient’ ne perçoit pas tout, qu’il ne sait pas tout, et en plus, qu’il n’a pas toujours… raison. Loin de là! En réalité, il n’est conscient que de ce qu’il est capable de ressentir ou de sélectionner sur l’instant, tout le reste étant rangé en ‘mémoires’ à court, moyen et long terme, pas forcément accessibles facilement, d’ailleurs.
Tel est le sens de la 2ème prémisse de la Sémantique Générale: «Une Carte ne recouvre pas tout le territoire qu’elle représente».
Voilà pour l’intellect. Ensuite, ajoutez l’apprentissage de la pratique, telle qu’elle est décrite ci-dessous, et transformez le tout en entraînement. Certes, tant que ces méthodes ne vous auront pas été transmises de façon vivante, cela vous sera peut être difficile. Tant que vous fumerez du tabac, votre esprit sera certainement embrumé, etc., Mais essayez quand même!
1°) Commencez par vigilance, dépistage et observation:
Observez en pleine action cette activité mentale qui travaille, de façon automatique et presque à votre insu, à interpréter, qualifier, juger, etc., ce qui se passe et à décider de ce qui est important pour vous ou pas. Observez l’Ego-Tyran en train de faire son tri dans les éléments de votre existence et de choisir systématiquement ce qui n’est pas du Travail Intérieur. Laissez le faire en l’observant discrètement et sans intervenir. En faisant seulement cela, vous êtes déjà en train de quitter l’état d’inconscience. Et ensuite…
2°) Bloquez le processus sans préavis:
Intérieurement ou extérieurement, dites à voix basse ou haute: «STOP! Ça juge, mais je ici-maintenant ne sais pas tout.» Et pendant 15 secondes, ne faites rien de particulier. Ne faites rien d’autre que de compter ces 15 secondes. Ne remplacez ce que vous venez d’interrompre par rien d’autre. Contentez-vous de ne pas valider et surtout, de ne suivre aucun bavardage intérieur à ce moment précis. En Sémantique Générale, cette technique est appelée le Délai de réaction.
3°) Revenez en conscience corporelle:
À partir de la conscience blanche, au centre de la boite crânienne, envoyez votre attention première (laser) dans la conscience rouge du ventre. À partir cet œil du ventre, développez l’attention seconde (panoramique) et observez simplement votre respiration, les sensations des plantes de vos pieds et les tiglés qui correspondent. Si votre ‘intellect’ fonctionne après votre ‘ventre’, votre existence sera plus en accord avec la ‘réalité’. Tout simplement.
4°) Prenez le temps d’étudier la situation et de réfléchir:
La façon dont l’ego-Tyran est en train de faire passer subtilement à la trappe l’exercice de Travail Intérieur que vous devriez déjà être en train de faire ne fonctionne que parce que vous tolérez mollement qu’il le fasse. Quel que soit le motif, votre tortionnaire intérieur dispose de votre caution, voire de votre autorisation inconsciente et habituelle. Observez que cette mollesse, cette paresse, cette tolérance, peu importe comment vous appelez cela, renforce sa puissance, vous maintient dans un état permanent d’impuissance, d’ignorance, d’incohérence, et renforce subtilement vos sentiments d’indignité et de culpabilité. Ce sont là les armes habituelles de l’Ego-Tyran, et il était en train d’en faire usage. Vous les connaissez bien, vous avez vécu cela 10.000 fois!
5°) Non-Agissez et Invalidez en Conscience:
Or, vous savez que l’activité de votre Ego ne vous a jusqu’à présent apporté que des ennuis, de la misère, de l’aveuglement et de la souffrance. Alors, ne condamnez pas cette activité, ne la rejetez même pas, ne protestez pas contre votre Ego, ne vous dévaluez pas, ne vous traitez pas de tous les noms, ne vous fâchez pas contre «vous-même». Tout cela demanderait un effort inutile et surtout, permettrait à votre Ego de venir réoccuper habilement la place de conscience en vous proposant quelques Sijorèsu, suivis de quelques lamentations et comportements auto-agressifs et distractifs.
Dites simplement, à haute voix de préférence: «Je reconnais que tout cela ne sert ni ma santé, ni mon bien être, ni mon bonheur d’existence. Je n’y gagne ni en plaisir, ni en douceur, ni en conscience, ni en intelligence, ni en performance pratique. Cela ne m’est bénéfique en rien. Je ne valide pas cela. J’ai beaucoup mieux à faire[4].»
6°) Mettez en œuvre immédiatement en suite:
Observez à quel point ce que vous avez à faire en conscience dans les faits est fondamentalement simple, générateur de tranquillité et surtout, pas dans l’axe de l’Ego! Ce ne sont pas ces quelques minutes de conscience soustraites à la tyrannie de votre Ego (-tine) habituel(le) qui vont ruiner votre existence, empêcher le monde tourner ou perturber quoi que ce soit qui se passe dehors. Cela passera même complètement inaperçu du monde entier! Toutes ces angoisses stupides ne sont ni efficaces ni productives. Elles sont justes produites par votre activité mentale pour paralyser votre existence et vous empêcher de faire le travail d’être heureux (se).
Alors, décidez en conscience de passer outre. Et veillez à mettre à votre service de conscience toute l’intelligence de votre esprit ordinaire pour soustraire vos savoir faire et vos capacités d’attention aux influences du Tyran. L’activité de conscience doit être faite maintenant: faites-là donc sans état d’âme, sans question et sans traîner.
La contemplation des résultats viendra après, mais il y a aura au moins des résultats à la place de rien. Ce genre de rien est générateur de frustrations sans fin, et donc, d’une replongée dans l’univers de la souffrance ordinaire. Et lorsque vous aurez terminé ce petit travail rituel de conscience, histoire de remettre vos idées en place, ce sera le moment de relire la leçon 22: Nos Quatre Vérités.
[1] Voir Leçon n°27: Esprit ordinaire, Esprit d’éveil
[2] Voir Mode d’emploi n°3: Prendre Conscience
[3] Voir Leçon n°2: Vocabulaire
[4] Voir Leçon n°10: Le Syndrome de la Crotte de Chien