Leçon n°49 – Mise en oeuvre du changement

Dès qu’il s’agit de travailler sur le concept de changement, le vocabulaire de référence est celui de l’enseignement du camarade Bouddha, notamment dans les termes suivants:

L’Impermanence: Processus de changement et de destruction qui affecte tout être et/ou phénomène par altération, transformation, vieillissement, etc.

La Souffrance: Conséquence directe de l’impermanence; ressenti de rejet dans la relation à ce qui change; résistance au changement, etc.

«Tout change tout le temps. C’est la seule chose qui ne change pas» proclame l’EgoSystème qui aime tellement les jeux de mots intellectuels qu’il en confusionne la pensée-concept immatérielle avec le mot «chose» qui renvoie directement à l’ordre du matériel[1]. Lorsque c’est Raymond Devos qui s’amuse et qui nous amuse au passage, tout va très bien et à juste titre, nous trouvons cela drôle. Lorsque c’est l’EgoSystème qui s’emmêle (et je pèse mes mots), Moi[2] s’emmêle à sa suite en pleine inconscience et sans issue de secours.

Le concept d’impermanence peut aussi se dire ainsi: «Tout ce qui a commencé finit tôt ou tard. Tout ce qui a eu un début évolue naturellement vers sa fin. Tout ce qui est né finit tôt ou tard par mourir». De façon fondamentale, il est question du processus de transformation/vibration/mouvement universel. Jusque là, pas de problème. Même notre EgoSystème se trouve très satisfait de pouvoir goûter facilement à une sorte de connaissance spirituelle qui lui fait furieusement envie mais qui lui échappe de façon habituelle.

«L’ennui du changement, c’est que ça bouge» et il semble bien difficile à notre EgoSystème via son Esprit Ordinaire, voire impossible, de pré-voir (c-est-à-dire ça-voir à l’avance) quelles vont être les conséquences de ce changement. DONC, le processus-peur démarre instantanément. Telle est la racine de la souffrance, ce processus d’essence organique que Bouddha a déclaré inhérent à l’espèce humaine toute entière.

Le processus-peur a normalement comme conséquence (chez les antilopes notamment, mais ça fonctionne aussi chez les poissons) de déclencher un départ de compétition du 500 mètres en sprint en vertu du principe que plus l’origine (extérieure) du sentiment de peur sera lointaine, plus s’éloigne le risque de se faire manger tout cru par inadvertance, lion affamé, sauvagerie, pervers sexuel ou requin agacé, par un rapport direct de cause à effet.

La réaction est dite instinctive, ce qui signifie qu’elle a lieu de façon instantanée, comme l’indique la parenté étymologique des deux termes. Par extension, il s’agit de comprendre qu’il n’existe aucun instant de conscience, délai de réaction ou de réflexion quelconque entre la peur et le démarrage en trombe. La racine Inst renvoie donc à ce qui se passe ici-maintenant, l’instant T du ‘moment’ présent.

Mais les conditions idéales d’une savane bien dégagée ne sont pas toujours existantes; en particulier, je pense à la situation des employés du secteur tertiaire à qui la Direction de leur entreprise annonce tôt ou tard qu’il va y a avoir des changements (entendre, changement de bureau, changement de chef de service, changement d’activité, changement de travail, changement d’équipe, changement d’actionnaires, etc. Or, ces gens étant bloqués derrière leur bureau, sur leur chaise ou debout à leur poste de travail, le Système-Peur instinctif hurle «Sauve qui Peut» à l’intérieur alors qu’à l’extérieur, ils ne peuvent pas bouger!

C’est alors qu’Ego-Zorro peut prendre le relai, sous la forme intériorisée dite de la «Pétrification». Comme si le fait que «On ne bouge plus, on ne touche à rien!» allait permettre de devenir soudain intelligent. C’est en tout cas ce que nous enseignent les romans d’Agatha Christie, les films policier à la TV et d’une façon générale, les enseignements de la police criminelle pour éviter de détruire des indices qui vont normalement permettre de lire à livre ouvert une scène de crime au départ aussi mystérieuse que l’existence férocement niée ‘en toute franchise et authenticité’ de certains comptes bancaires en Suisse.

L’Ego a en effet tendance à pétrifier toutes les situations. L’équivalent organique du processus psychologique s’appelle la tétanie, autrement dit, une panique immobile qui met sous tension maximale celui ou celle qui en est victime.

Mais l’Ego Système a disposé des milliers d’années de l’évolution darwinienne pour mettre au point des stratégies plus subtiles dont nous trouvons la trace dans notre langage courant (en l’occurrence, sprintant!):

Oui, je vois bien ce que je dois faire, mais non[3].
Vous voyez bien que j’essaye mais je n’y arrive pas[4].
Je sais que ça serait super, mais je n’ai pas envie[5].
Et pourquoi ce serait moi qui dois changer tout le temps? etc.

Pour les praticiens du Travail Intérieur, l’EgoSystème déploie des trésors d’ingéniosité pour persuader son hébergeur habituel (ainsi que tout son entourage) qu’il est en train de travailler la question (Fondamentale, à n’en pas douter, j’en suis bien conscient et j’y travaille, tu penses bien!) de façon efficace, féroce et continue. Il le dit, mais il ne fait absolument rien. Et si même il était capable de faire moins que rien, il se précipiterait pour réaliser ce chef d’œuvre improbable qui, comme l’a si bien montré Devos, est déjà quelque chose!

Les pratiques fondamentales de la Formation Diamant exclusivement enseignées et transmises en stage telles que le Réglage de Départ, la configuration mentale Apprentissage, la configuration mentale Esprit d’Eveil, la configuration mentale Méditation, la pratique du StopUrgence, les Principes du Compagnonnage et tous les modes d’emploi de conscience, d’une façon générale etc., servent tous sans exception à débrancher l’EgoSystème de façon à permettre à notre conscience de fonctionner avec un minimum de perturbation et à occuper la conscience à la place de l’Ego, sans doute ni hésitation[6].

Lorsque nous pratiquons ces entraînements et que nous lisons les textes qu’il s’agit de mettre en œuvre ensuite, tout va bien. Cela paraît évident, tout simple, en vérité. C’est bon. ça va être facile à faire. C’est ainsi qu’en juge l’Ego-Système, facile à reconnaître puisqu’il donne son sentiment à propos de la situation en termes déguisés de j’aimeçaj’aimepasça[7]. Comme le disait le Pr Coluche: «J’ai arrêté de fumer. Je commence demain!»

L’Ego-Système emploie même une stratégie qui reste inconsciente chez la plupart d’entre celles et ceux qui n’ont pas subi en direct la férocité tendre des observations des Maîtres de méditation. L’Ego est capable de persuader mon petit «moi» bien brave que «Parce que j’ai lu le texte, parce que j’ai chanté le texte, parce que j’y ai réfléchi, parce que je le connais (par cœur éventuellement), parce que j’en suis à ma 1259 séance de pratique et demi, parce que je fais de mon mieux et que je m’y efforce, parce que je suis un(e) pratiquant(e) assidu(e), je sais le faire.» Hélas, ça ne fonctionne pas ainsi. Dire n’est pas faire[8].

Tant que l’Esprit d’Éveil se trouve miraculeusement activé chez nous sans que nous ayons à produire un quelconque effort d’attention et/ou de modification technique en conscience de nos comportements ego-toxiques, alors, tout va bien!

Nous savons intellectuellement ce que nous devons faire pour configurer l’Esprit d’Éveil, entrer en état de Calme Mental, mettre en œuvre chaque Principe de Compagnonnage, etc. Mais cela nécessite un véritable changement organique de notre part, ainsi que l’abandon d’habitudes comportementales que ego-nous croit «dur-comme-faire» NE PAS pouvoir modifier sans devoir altérer ego-notre personnalité, et/ou devoir en souffrir, et/ou ego-nous faire râler, et/ou ego-nous sentir brusquement en état d’impuissance-insuffisance-fragilité etc.).

C’est alors, justement, que ego-nous décide (mais notre conscience d’Éveil est hors service à ce moment là), qu’il n’est pas question de changer ce confort égotique habituel, que c’est trop pénible, trop fatigant et en plus, qu’y a-t-il à y gagner? Moins de souffrance? Et alors? Bénéfice dérisoire! Il est plus simple de se cramponner comme une tique sur la peau d’un chien aux habitudes toxiques et de se persuader (de façon inconsciente toujours) que ce sont les autres qui doivent modifier leurs comportements à notre égard. «Avec tout ce que j’ai déjà fait en Travail Intérieur. Sans blague! Pas toujours les mêmes! C’est un peu à eux de bosser de temps en temps, quand même!»

Un très habile raisonnement égotique peut venir compléter et couronner cet astucieux comportement pétrificateur et incapacitant, sous la forme de l’ego-pensée suivante: «Après tout, j’ai juste à non-agir, finalement.»  Ce qui, traduit en égo-bavardage, signifie: «En réalité, je n’ai rien à faire de spécial et surtout pas ce qui est écrit dans ces textes tibéto-exotico-machin-chouette dont mon instructeur me rabat les oreilles. Qu’est-ce qu’on en a à faire de ces yogas gagas! Surtout ne rien changer… Seulement attendre et voir ce qui se passe. Attendre assez longtemps pour que, par miracle, les autres en aient marre d’attendre que je bouge et qu’ils fassent le travail à ma place. Ça, c’est bon comme stratégie! J’aime bien ça!»

Je le sais bien. J’ai pu voir ces processus à l’œuvre dans ma vie tellement souvent et à tellement de niveaux différents!

Face à cette stratégie classique de l’Ego, dont la Monumentale Paresse constitue l’acteur et l’anti-moteur principal, une 1ère prise de conscience est nécessaire, qui s’écrit: Non-agir constitue le résultat de l’entraînement au Calme Mental et à l’Esprit d’Eveil, pas la source ni le début!

Mais nonobstant cette révélation, comment faire pour mettre en œuvre?

Il m’a fallu à peu près 10 ans pour réaliser en conscience quelle solution la sémantique Générale apportait à ce ‘problème’. Et 20 ans de plus d’entraînement tibétain pour transformer la prise de conscience intellectuelle en prise de conscience organique. Comment je fais?

Ayant réalisé une 1ère lecture globale intellectuelle ‘normale’, je continue par une sorte de méditation en attention seconde flottante à propos du texte qu’il s’agit de mettre en œuvre. Ensuite, je réalise une 2ème lecture générale sur un mode de contemplation intuitive, en recherchant, en conscience corporelle, avec quel paragraphe je me sens en évidente familiarité. A l’intérieur dudit paragraphe, qui décrit une partie de ce qu’il est question de mettre en œuvre, je vais sélectionner  une seule action technique, celle que je vais trouver le plus aisé et le moins rebutant a priori. C’est celle là que je vais décider en conscience et entreprendre de réaliser.

Ensuite je vais expliquer à mon EgoSystème (personnifié chez moi par les noms de Luikatorze, sous d’autres aspects Tamervlan, et sous d’autres aspects encore Povtichou) que c’est lui qui est vraiment intelligent, pas moi. Ce pour quoi je le charge de m’expliquer par écrit comment lui comprend ce qu’il y a à concevoir pour réaliser ce qu’il y a à faire et quelles sont exactement les étapes que je dois mettre en œuvre pour parvenir au résultat.

Autrement dit, il s’agit d’écrire une représentation des transformations à réaliser, c’’est à dire créer une carte prédictionnelle à propos d’un territoire qui reste à découvrir. À la suite de quoi, en conscience et étape après étape, je vais pouvoir comparer cette carte qui sort tout droit de mon imagination créatrice (aussi appelée active) avec la réalité de mon expérience vécue.

La prévention nécessaire de l’Aveuglement Spécifique[9] nécessite le contrôle d’un guide, comparse, maître, instructeur etc. avec lequel corriger l’évolution factuelle au cours de la progression qui doit être assortie d’un travail de contemplation opératoire, à savoir ma conscience en Esprit d’Éveil qui va provoquer Ego-moi à réaliser ce qu’il se refusait à faire jusqu’à présent.

A présent, c’est le moment de constater que, avant que je n’explique ce processus en détail, votre ‘Ego-moi’ est dans l’incapacité absolue de concevoir un tel processus. Mais, une fois que ledit processus a été proposé (etym: posé devant) et simplement ex-posé (etym: posé dehors de façon visible) pour que vous puissiez bien le ‘voir’ en conscience, la situation devient étrangement moins crispée et soudain plus facile!

Pour l’avoir longuement et maintes fois contemplé, il me semble que l’EgoSystème déteste se voir mis en face d’une épreuve quelconque, parce que son ’tain[10] d’orgueil le propulse à 10000 pieds d’altitude de suffisance et de prétention en compensation de paresses et de peurs issues des sentiments d’impuissance, ignorance, culpabilité, etc. que la situation [je ne sais pas le faire alors que, puisque je sais déjà tout, je devrais le savoir!] à généré chez lui/elle.

Le fait de créer une carte en décrivant un processus prédictif de la mise en œuvre permet de contrôler dans le ‘réel objectif’ chaque étape du processus à propos d’un territoire intérieur/extérieur encore inconnu, va permettre à l’EgoSystème de se sentir brusquement intelligent. C’est pourquoi le fait que, dans un premier temps,’elle puisse ‘être fausse’ au sens de l’Ego n’a aucune importance[11]. Intellectualiser, il connaît. Organiser, il sait faire. Ecrire et Décrire[12], «c’est chiant, mais pourquoi pas, s’il faut en passer par là pour… réussir!»[13]

Bien sûr que «Mais elle est fausse au départ, la carte!»

Ce qui importe c’est de l’écrire pour fixer cette représentation fausse (en tout ou partie, aucune importance). Tant qu’elle n’est pas d/écrite et devenue ainsi ‘consciente, statique et visible’, elle ne peut pas sortir des processus inconscients, mouvants et invisibles qui constituent notre aveuglement spécifique. Et tant que celui-ci est actif, l’Ego-moi va bloquer tout processus d’évolution parce qu’il a peur (de tout ce qu’il ne sait pas faire, pas dire, pas savoir, ne maîtrise pas, etc.,) et qu’il se sent  frustré… justement de ne pas …tout cela.

L’EgoSystème n’en n’est pas à une, dix, cent contra-dictions et in-cohérences près. Nous le savons lorsque nous fonctionnons en conscience. Mais lui ne le sait pas, parce qu’il pense en Esprit Ordinaire et qu’il parle en Langage Courant non révisé.

C’est notre travail de conscience que de lui apprendre à modifier son/notre langage courant de façon qu’il modifie nos/ses comportements. Juste pour voir. À la sortie, nul doute qu’il sera absolument fier d’avoir réussi l’infaisable.


[1] Voir Leçon n°23: Le piège de la personnification et Leçon n°39: Voir les choses telles qu’elles sont
[2] Voir Leçon n°43: Processus Ego-Moi
[3] Voir Leçon n°5: Les Gardiens du Langage courant
[4] Voir Leçon n°47: J’essaye mais je n’y arrive pas
[5] Voir Leçon n°30: les Coups Fourrés de l’Ego-Tyran
[6] Voir Leçon n°40: Occuper la place de l’Ego
[7] Voir Leçon n°19: J’aime-ça-j’aime-pas-ça (Je-veux-je-veux-pas)
[8] Voir Leçon n°8: Dire n’est pas faire
[9] Voir Mode d’emploi n°1: Aveuglement spécifique
[10] Abréviation employée dans certains ouvrages du grand philosophe Terry Pratchett qui signifie dans ce présent contexte: Nom d’une pipe, qu’est-ce que j’ai fait hier à YahvéJézukryBoudHallah pour avoir une gueule de bois pareille de maTAIN!
[11] En Ego-vocabulaire, bien sûr:  identification + toutourienité
[12] Voir Mode d’emploi n°3: Prendre Conscience
[13] Voir Leçon n°47: J’essaye mais je n’y arrive pas