Dans les replis du secret de l’âme se survit à lui-même, aussi éternel que la vivacité de son regard, le Vieillard Intérieur. Qui est-il donc?
Un personnage étrange qui, lorsque j’étais gamin, transformait mon sentiment de moi-même, et dans ma nouveauté d’existence, installait impalpablement la certitude diffuse de déjà connaître, de déjà savoir…
Un personnage sombre, qui aux plus tristes moments de mon adolescence, d’un air fatigué et quelque peu meurtri, s’enquerrait vaguement de l’avenir du monde en répétant de temps en temps: à quoi bon…
Un personnage digne, qui, à force de me voir grandir, se résigna, une fois de plus, à attendre que jeunesse se passât…
Un personnage ancien qui, à force d’attendre les fruits de mes attentes, trouva un intérêt certain à me voir illustrer, à ma curieuse manière, l’essence de son savoir en la futilité des choses…
Un personnage inquiet qui, frustré du temps qui passe et du temps qui se perd, sait attendre mille ans qu’un fruit de l’âme advienne, quelle qu’en soit la rançon, quel qu’en soit le corps et quel qu’en soit l’esprit…
Un personnage avide pour qui le temps ne presse qu’à partir du moment où le corps ne suit plus, où l’esprit se fatigue et où l’âme progresse vers l’obligé passage où elle devra quitter des repères humains pour d’autres, inconnus…
Un personnage enfant pour qui l’éternité s’est toujours respiré en plein cœur d’une rose…
Un personnage humain, au moment de mourir, qui revoit son aimée telle qu’elle ne fut jamais;
qu’en son âme…
Car ainsi sont les dieux qui habitent les hommes.
Leur paradoxe ultime est:
devenir humain.