Un homme un peu fou, mais, à y bien réfléchir, pas plus fou que la plupart des gens, rechercha passionnément un sage pour mettre fin à ses souffrances. Lorsqu’il l’eût trouvé, il lui dit:
– Maître, ma vie est un enfer, je doute de tout!
– J’en doute, répondit le Sage.
– Comment pouvez-vous douter de ma parole? dit l’homme.
– Ce n’est pas ta parole que je mets en doute. Tu me dis que ta vie est un enfer, et je te crois. Tu me dis que tu doutes, et je te crois. Tu me dis que tu doutes de tout, et je ne te crois pas.
– Pourquoi donc? demanda l’autre, étonné.
– Si tu doutais de tout, tu douterais aussi du fait que ta vie est un enfer, et tu douterais de ton doute lui-même! Comment peux-tu reconnaître un doute avec certitude[1]?
– Je n’ai pas de certitude, je n’ai que des doutes, insista l’homme, et c’est cela qui cause mon malheur.
– Tu es certain de n’avoir que des doutes, tu es certain que cela cause ton malheur, tu es certain de vivre un enfer, et tu es même certain de ne pas avoir de certitude. Ce ne sont pas tes doutes qui t’empoisonnent la vie. Ce sont tes certitudes! Il me reste une question à te poser: pourquoi ne doutes-tu pas que je puisse faire quelque chose pour toi?
Reconnaître l’Impasse
Avant de ressentir suffisamment la faim ou la soif, personne ne cherche à manger ou à boire. À quelques rares exceptions près (à savoir les gens qui savent ‘quoi faire de leur vie’ très tôt) personne n’envisage sérieusement de ‘se remettre en question’ ou d’essayer de ‘trouver un sens à sa vie’ avant d’y être contraint par les ennuis de l’existence. Le niveau correct de contrainte est atteint lorsque le sentiment de souffrance devient difficile à supporter et que le niveau de désorganisation fonctionnelle associé au ressenti d’être ‘perdu’ devient impossible à nier.
C’est à ce moment que s’installe le ‘doute’ dont je viens de parler, aussi épouvantable qu’insaisissable. Il s’agit d’un sentiment, souvent très vague, que «quelque chose s’est mal passé», associé à une intuition encore plus vague mais brutale que «il va peut-être falloir tout changer», et la sensation d’un grand vide intérieur, du genre vertige, associé à une question brutale: «Mais comment vais-je faire?».
Formulé de la sorte, ce syndrome[2] d’angoisse à ramifications multiples s’élève dans la conscience et retourne le plus vite possible dans la ‘marmite’ inconsciente parce qu’il n’y a aucune solution perceptible. En revanche, la souffrance, elle, reste active et il nous appartient de la ressentir, de l’éprouver et de la reconnaître comme telle en conscience car cette reconnaissance formelle fonde la possibilité de sa cessation.
Le processus d’aveuglement ordinaire étant lié à la frénésie paranoïaque du processus Ego-Tyran, la personne qui ressent cette phase de doute a intérêt à ‘ralentir le rythme’, voire même à s’arrêter et à essayer d’observer ce qui se passe. C’est ce qui est arrivé à Dante, le vendredi 8 avril 1300 à Florence, lorsqu’il commence à écrire la Divine Comédie:
Sur le milieu du Chemin de la Vie,
Je me trouvai dans une Forêt Sombre
Car j’avais perdu la Voie Droite.
Ah! Comment dire à quel point elle était dure,
Âpre, infranchissable, cette forêt sauvage
Dont le seul souvenir éveille ma terreur.
Je ne puis dire, au vrai, comment j’y suis entré,
Tant j’étais plein de sommeil et d’aveuglement
Au moment de quitter la Véridique Voie.
Ne perdons pas de vue que le langage-poésie aussi codé que sentimental de cette Divine Comédie a été le modèle d’inspiration du romantisme sauvage de Hugo, Lamartine, Musset et de tous ceux qui les ont suivis[3]. Ce que nous appelons ici «Impasse» désigne une situation existentielle qui se caractérise par plusieurs perceptions associées:
- une sensation qui peut aller de l’inconfort à la douleur (psychique, de second ordre) sans savoir quoi faire pour mettre un terme à ces désagréments,
- une association diffuse et complexe de sentiments du type: apitoiement (pourquoi ça m’arrive à moi qui suis si gentil(le)), lassitude (voilà le résultat, après toutes ces années), déception, (j’en attendais tellement), frustration (mais j’ai pourtant fait de mon mieux), colère (tous les salauds qui se sont mal conduits envers moi), haine (je les aurai tous, je leur montrerai, un jour, que j’ai raison- très masculin, ça -), impuissance (j’ai fait tout ce que je pouvais, et je ne sais plus quoi faire), indignité (ce n’est pas étonnant, je suis tellement nul(le)), culpabilité (c’est de ma faute, je sais bien ce que j’ai à me reprocher), découragement (de toute façon, je n’y arriverai jamais), effondrement dépressif (à quoi bon lutter), renoncement (c’est comme ça, on n’y peut rien) etc.
- l’impression/sensation de me trouver ‘bloqué(e) sur place’, ‘coincé(e) de partout’, d’être ‘hors jeu’, et d’avoir quitté l’énergie de la situation,
- le constat d’impossibilité de poursuivre mon existence sur les principes et dans les contextes qui semblaient fonctionner jusque là,
- la vague idée d’avoir peut-être fait (un jour …) un ‘mauvais choix’, une erreur d’orientation, de jugement, de décision etc., qui a produit un enchaînement logique et incontournable d’événements dont le nombre et le ‘poids’ augmente à chaque mois qui passe,
- une désorientation fondée sur la certitude que je ne sais pas plus comment faire pour me ‘sortir[4]’ de là, que je ne suis pas capable de savoir comment j’y suis ‘entré(e)’, comme disait Dante,
- l’intuition qu’il vaudrait mieux arrêter tout de suite même si, aujourd’hui, je ne vois même pas comment faire, parce que le résultat ne sera de toute façon pas bon; au moins cela paraît certain…
- etc.
Les Moyens Habiles qui permettent de retrouver l’énergie de la situation et de redonner un sens à l’existence constituent un savoir faire technique du Travail Intérieur. Rien de magique là-dedans. Cela oblige néanmoins à changer les façons de penser/parler liées aux certitudes cachées et pétrificatrices d’existence de l’Homme qui Doute, figure cachée[5] par excellence; c’est le ‘prix à payer’ pour quitter la souffrance.
En terme de méthodologie d’ingénieur, de stratégie d’économies d’énergies et de ‘développement durable’, voyons quelle est la logique du T.I. qui permet non pas de ‘sortir de l’impasse’, [il n’existe pas ici-maintenant d’événement ‘matériel’ duquel il soit possible de sortir] mais de transformer la situation-sentiment d’impasse en outil de restauration spirituelle et de création de Sens.
- Admettre le désarroi et l’aveuglement passé
L’étymologie du terme «Dés-arroi» est le terme arroi, un mot du Moyen Âge qui désignait le fait d’atteler des chevaux en équipe, autrement dit, ensemble. Il y avait ainsi suffisamment de force pour tirer un équipage, c’est-à-dire un carrosse, charriot, etc. Lorsque mes «chevaux intérieurs» (c.à.d. mes capacités mentales) ne sont pas attelés correctement (c.à.d. ma représentation de leur fonctionnement n’est pas clairement verbalisée), il en résulte inefficacité, désordre, trouble et confusion. «Ça ne marche plus.» À la suite, l’Ego-Tyran s’affole et déploie toute la magie ordinaire des émotions, sentiments et douleurs de second ordre qui caractérisent la souffrance. Avant tout le reste, je dois observer que «c’est justement cette structure mentale qui m’a amené(e) tout(e) seul(e) à mon malaise (mal-aise) actuel!» Identifier cette situation comme telle, en admettre sa réalité, ses contextes et ses conséquences est la base de toute évolution sérieuse de la situation.
- Demander conseil, chercher un guide
Pourquoi ai-je besoin d’un(e)guide? Pourquoi ne puis-je pas faire ce travail seul(e)? Parce que «Je ne peux pas regarder la poutre qui est dans mes yeux», que «Les cordonniers sont les plus mal chaussés.», et que «Celui qui gravit la Montagne ne peut pas la voir.». Cette articulation mentale[6] qui fonctionne comme l’illusion la plus puissante déployée par le processus-Ego-Tyran8 est appelée «Aveuglement Spécifique»[7]. Elle fonctionne comme un véritable handicap très toxique et très inconscient, producteur constant d’ignorance, d’erreurs et de certitudes fausses. Dante l’exprime fort bien:
Je ne puis dire, au vrai, comment j’y suis entré,
Tant j’étais plein de sommeil et d’aveuglement …
- ‘Arrêter les frais’, ‘casser’ la logique d’impuissance
Il y a une véritable intelligence de la situation à cesser d’agir de façon aveugle, ignorante, bornée et stupide[8]. «Même si je ne sais pas quoi faire pour ‘arranger’ un peu ce qui se passe, ce qui urge vraiment c’est d’arrêter les frais. Cesser tout simplement d’agir comme je le faisais précédemment. Arrêter. Stop!» Une analyse plus fine montre qu’il s’agit ‘d’arrêter’ d’abord un comportement volontariste qui signe la présence incarnée, active et bien cachée du Principe Egotique[9]. Dès lors que quelqu’un cesse de rajouter au gâchis et d’alimenter le désordre et l’absurdité aux niveaux extérieurs visibles, il est en mesure de retrouver les conditions correctes de la prise de conscience.[10]
Il faut aussi comprendre que l’Activisme Égotique sert à masquer la réalité de mon impuissance à jouer juste, mon absence de calme mental[11] et plus généralement, tout ce qui ne fonctionne pas bien et qui génère mes sentiments de souffrance et les angoisses qui l’accompagnent de façon continue. Inutile de discuter avec l’Égo. Dès sa présence reconnue, il faut invalider le processus en cours dans toutes ses dimensions et penser à demander de l’aide et du conseil.
- Trouver un(e) guide
Par analogie, il paraît judicieux d’appliquer au choix d’une(e) guide les mêmes critères d’intelligence, de bon sens et de discernement que pour choisir un appartement. Il faut qu’il/elle soit compétent(e) [étym: pouvoir faire avec]. Comment vérifier cela? En observant si la personne qui se présente comme guide sait par expérience de quoi elle parle, si ce qu’elle donne à voir de sa façon de vivre me plaît, si je trouve raisonnable de lui faire confiance, si je l’estime capable d’être de bon conseil, ce qu’elle exprime de son travail spirituel, la cohérence de son discours, son absence de pensée et réaction sectaire, etc. Et comme nous sommes deux individus vivants, il va falloir faire connaissance en percevant aussi et surtout la qualité du plaisir de la rencontre, le bonheur d’être en paix ensemble, la compatibilité des échanges, de façon à vérifier/valider aussi que cette rencontre a du [bon] sens.
- Prendre le temps d’observer/vérifier/définir etc.
En compagnie et pilotage de mon/ma guide, je vais devoir prendre le temps d’observer/décrire correctement ce qui se passe pour moi. Il y a lieu d’abord de confirmer que je peux légitimement appeler «impasse» la situation que je suis en train de vivre en utilisant l’étymologie: im–passe; cela signifie Im–possible de passer. C’est ce qui ne peut pas être fait parce que la nature même de la situation l’interdit. Au sens figuré et poétique, je me trouve peut-être devant une route qui s’interrompt au bord d’une falaise, il va falloir que je fasse demi-tour. Où devant un mur. Là aussi, demi-tour obligatoire. En langage plus technique et opératoire, face à ce que j’analyse d’abord et avant tout comme un échec, il va me falloir changer d’orientation, de méthodes, de moyens, de sens, de comportement, d’intelligence, etc.
- Retourner l’attention vers l’intérieur
L’Art du T.I. consiste à transmuter en conscience l’énergie disponible des situations bloquées en dynamique d’évolution interne. Si une situation externe semble sans issue, toute solution de contrainte ou de violence augmentera son potentiel explosif. Une situation externe bloquée peut être considérée comme l’indice objectif que les configurations mentales (internes) qui ont été utilisées ont-elles-mêmes produit le blocage qui paralyse tout. Passer à l’intérieur, c’est-à-dire observer pour les comprendre les configurations mentales qui ont conduit à l’impasse actuelle, va donner à l’ensemble de la situation la profondeur humaine et donc, le sens qui lui manque.
- Constater, admettre et lâcher prise
Comment le fait de ‘me’ trouver ‘au fond d’une impasse’ peut-il être retourné en ‘avantage technique’? En reconnaissant sa valeur d’évidence. Je définis (étym) l’évidence comme «ce qu’il y a sous mon nez et que je ne peux pas éviter de voir, et dont je ne peux pas non plus nier l’existence.» Lorsque «je me rends à l’évidence», cela signifie que je cesse de prétendre, je cesse de m’illusionner, je cesse de nier ce que je refusais de voir, je cesse de me raconter des histoires, je cesse de croire à ce que je croyais et qui m’a amené dans cette situation précise de ne pas pouvoir faire-avancer-continuer-poursuivre, etc. «Cesser de» est par excellence une expression/définition de lâcher prise.
- Critiquer et passer en conscience
Du point de vue épistémologique, «je me vois contraint de lâcher tout mon système de représentation qui fonctionnait précédemment.» Du point de vue de la conscience corporelle, la difficulté est considérable; cela peut donner l’impression que je jette à la mer les biens les plus précieux, tout ce qui me constituait et qui me faisait vivre jusqu’à présent!
Par ailleurs, je ne peux le faire qu’en reconnaissant que «je ne peux plus accorder ni ma foi [étym: confiance] ni un crédit [étym: croyance] quelconque aux croyances et aux ‘certitudes’[12] qui m’ont amené à ce moment d’existence plutôt inconfortable et/ou désagréable.» L’impasse agit comme un impitoyable professeur d’humilité exigeant un examen de conscience approfondi. Le fait que je me trouve dans cette impasse signifie en effet qu’il s’est produit un moment d’existence pendant lequel je me suis trouvé en état d’aveuglement spécifique complet. Je n’ai rien vu, et même maintenant que je me trouve le dos au mur, (ou le nez dans le vide), je suis absolument incapable de comprendre avec certitude comment j’ai pu ‘me tromper de route’.
- Faire l’inventaire du gâchis
La nécessité factuelle de devoir ‘faire demi-tour’ (ou de changer d’orientation, etc.) a plusieurs niveaux de coût; usure de la voiture, consommation d’essence, double trajet, temps perdu, énervement et fatigue du conducteur, des passagers, de ceux qui attendent et qui s’inquiètent, etc. Pendant ce temps, -que l’Ego-Tyran activiste présente comme ‘perdu’-, un certain nombre de configurations objectives se sont produites, ont peut-être disparu et ne se représenteront plus. Etc. Cet inventaire, écrit si possible, chiffré si nécessaire, constitue un élément clé de la pratique en ce qu’il permet de produire une représentation plus fiable pour la suite des événements.
- Prendre la mesure exacte du non-sens
« Faire et défaire, c’est toujours travailler ». Certes, mais le travail défini comme «effort destiné à produire des transformations» a lui aussi un coût parce qu’il est producteur de valeur ajoutée. Lorsque je travaille, je suis payé parce que je produis des efforts. Ce qui donne de la valeur (et par conséquent du sens) à cette situation est le ‘plaisir’ que j’y trouve et/ou que j’y mets. Sachant que ce plaisir constitue l’indicateur N°1 du sens de mon existence, son absence se manifeste dès qu’apparaissent le désintérêt, le déplaisir, le sentiment de contrainte et tous les ressentis de souffrance … accompagnés souvent du gâchis et de la perte (financiers ou non) et qui peuvent/doivent par conséquent être considérés comme des indices-résultats de non-sens. La question est donc: «Quelles sont les «valeurs» que j’ai utilisées comme références et qui m’ont amené en pleine inconscience à cette situation d’impasse personnelle d’aujourd’hui?»
- Trouver les paramètres du sens de l’impasse
Notre système de pensée occidental, intellectuel, saturé de philosophie aristotélico-judéo-chrétienne et de ses opposés structurels[13] existentialistes et matérialistes, a le plus grand mal à penser la Question du Sens de l’existence. En effet, il identifie inconsciemment la valeur de ce concept de spiritualité à celle d’un panneau de signalisation routière. Tout se passe comme si le problème consistait seulement à trouver le panneau indiquant la direction à prendre et à le suivre, parce que l’idée fixe employée ici est que «Je vais quelque part et que je dois y arriver» Très souvent à tout prix, par conséquent, toujours trop cher.
Par ailleurs, les ‘panneaux indicateurs’ se trouvant, aux dires de l’Ego-Tyran, nécessairement «dehors» et compte tenu du défaut quasi systématique d’intériorisation[14] dans lequel nous avons tous été élevés, il ne nous vient pas à l’idée que c’est dans la perception correcte de la Conscience Corporelle que lesdites indications de sens doivent être recherchées. Et dans la mesure où il ne nous vient jamais à l’idée non plus de remettre en cause ces prémisses12, si un mauvais plaisant a tourné le panneau dans le mauvais sens ou si je tombe sur un escroc, le résultat désastreux ne se fera pas attendre. Des structures mentales collectives d’une immense puissance qui m’ont conditionné(e) et aveuglé(e) jusqu’à présent sont toujours à l’œuvre et sont une cause directe de mon impasse actuelle. Comment les reconnaître?
- Apprendre l’intelligence, renoncer à ‘vouloir’
À l’opposé de notre structure occidentale fascinée par le matérialisme et l’extériorité, les psychologies et techniques bouddhistes proposent les stratégies subtiles du non-agir, qui se résument dans l’aphorisme «Sans but ni esprit de profit». Sans but signifie, sans vouloir atteindre un but à tout prix. Sans esprit de profit signifie, sans vouloir exploiter la situation pour en tirer de l’argent, de l’honneur, du pouvoir, etc. Dans les deux cas, le maître mot est: vouloir. Fonctionnelles, les stratégies orientales du non-agir mettent l’accent sur l’observation et la vérification des conditions matérielles et spirituelles dans lesquelles l’existence se passe. Il s’agit de contrôler et de valider la correction des postures, des moyens, des méthodes et des orientations avec lesquelles je peux atteindre un but sans jamais forcer qui que ce soit à faire, ou quoi que ce soit à se produire. L’enjeu de cette intelligence est une adaptation optimale à moindre coût humain et matériel. Compte tenu de la puissance des stratégies de l’Ego et de l’Aveuglement Spécifique qui est son ‘arme’ fondamentale, cet apprentissage ne peut être réalisé seul. Voir le guide.
- Utiliser les moyens habiles «à l’intérieur»
Voici par exemple comment il est possible d’utiliser la grille d’analyse bouddhiste des 9 grandes émotions perturbatrices, pour mettre en lumière différents niveaux de la confusion mentale à l’œuvre dans le processus d’impasse:
1°) les Trois Poisons:
Stupidité … de n’avoir même pas pensé à regarder une carte suffisamment à jour et adaptée?
Désir … d’arriver au but à tout prix le plus vite possible, sans assez réfléchir ni assez préparer?
En Colère contre l’univers entier … «Me faire ça à moi! Je vais leur montrer ce que je vaux vraiment, à tous!»
2°) Les Six Passions ‘racines’:
L’Ignorance… de mes limites. «Je n’ai vu ni le début de l’impasse, ni d’autre route possible»,
L’Attachement…, à tout ce qui semble constituer ma sécurité d’existence aux plans émotionnels, affectifs, sentimentaux, matériels,
idéologiques, religieux, etc.
L’Aversion… pour tout ce que «je n’aime pas »[15] et «tous ceux qui prétendent mieux voir que moi quand je me plante»,
L’Orgueil-Arrogance… «Moi-je-sais» qui me rend sourd à tous les conseils amicaux et déclenche mon refus,
Le Doute… «Si mes cartes ne correspondent pas aux territoires, à qui/quoi puis-je faire confiance?»
L’Opinion erronée, à savoir toutes mes opinions, croyances, théories et suppositions non vérifiées, à mes savoirs, mes certitudes, mes habitudes, mes conditionnements, etc.
- Recadrer sur l’ordre et le sens du Travail Intérieur
Chaque fois que je cesse en conscience d’utiliser de façon aveugle les façons de parler-penser standardisées, toxiques et génératrices d’erreur et de confusion, je peux repérer les situations à haut risque d’impasse et d’échec avant d’y être piégé. Ce Processus de Conscience d’Abstraire sert entre autres à dépister tout ce qui ressemble à une recette figée et donc, inadaptée aux conditions d’existence Ici-Maintenant.
Chaque fois que je cesse en conscience de vivre, de me conduire de me comporter suivant des stéréotypes et conditionnements d’origine collective, et de m’y identifier de façon aveugle, je me rapproche de ma ‘vérité’ et de ma ‘réalisation’. Cela s’appelle: Processus d’Individuation.
Chaque fois que je repère dans mon existence un «je veux» (ou je ne veux pas) quelconque, que j’y renonce en conscience et que je reviens à la simple observation des faits, je quitte les processus inconscients d’illusion et d’aveuglement pour revenir au présent. Cela s’appelle: Non-Agir en Présence.
- Reconnaître et Accepter la Complexité
L’un des discours pièges et habituels de l’Ego-Tyran consiste à tenter de me persuader que la vie est fondamentalement simple[16] et que «tout n’est pas aussi compliqué que cela». Notamment, que l’entraînement ne sert pas à grand-chose, que l’intériorisation, c’est bon pour les mystiques, mais pas pour les gens normaux comme nous. Quant à cette histoire de révision linguistique, c’est un nouveau jargon pour les intellos, un petit amusement de plus pour les agités du bocal, philosophes, analystes, linguistes et autres allumés qui ne savent pas quoi faire pour se rendre intéressants, etc.
En ‘réalité’ – depuis Albert Einstein – les physiciens et bon nombre de scientifiques ont vraiment commencé à penser l’Univers Extérieur autrement, sur la base de méthodologies résolument Non-Aristotéliciennes (et peut-être bientôt non-einsteiniennes) qui fonctionnent en termes de processus-énergie-mouvement-matière-espace-temps. Eh bien, cette méthodologie est aussi applicable à l’étude des complexités de l’Univers Intérieur et au dépistage des simplifications inquisitoriales et pétrificatrices des activités mentales égotiques. Ça représente un ‘saut quantique’ dans le travail de l’Intelligence[17] et de la Conscience[18] suffisamment puissant pour redonner du Sens à n’importe quelle existence.
[1] Raymond Devos: «Un ange passe»
[2] Syndrome: ensemble d’événements-symptômes associés qui fonctionnent ensemble dans l’organisation mentale.
[3] Voir Mode d’emploi n°4: Invalider la Souffrance et Leçon n°10: Le Syndrome de la Crotte de chien
[4] Voir Leçon n°16: Sortir d’un état dépressif
[5] Figure cachée: une figure archétypique dont la structure de fonctionnement standard est repérable dans l’organisation mentale avec l’apprentissage et l’entrainement approprié. Voir Leçon n°8: Dire n’est pas faire
[6] Voir Leçon n°2: Vocabulaire
[7] Voir Mode d’emploi n°1: Aveuglement Spécifique
[8] C’est l’attitude qui signale l’existence du Poison de l’Ignorance en Système Bouddhiste (voir détail en fin d’article)
[9] Voir Leçon n°12: Je, Moi, Ego, etc. et Leçon n°30: Coups fourrés de l’Ego-Tyran
[10] Voir Mode d’emploi n°3: Prendre conscience
[11] Voir Leçon n°3: Ce qu’il faut savoir à propos du Calme Mental
[12] En Sémantique Générale, le combiné de croyance et de certitude est appelé prémisse. Chaque prémisse se trouve à la source d’une grande quantité de conditionnements. Tant qu’elles sont inconscientes, il n’est pas possible d’en changer et la ‘pétrification mentale’ qui en résulte (vocabulaire de Chöghiam Trungpa) est appelé (en SG) la ‘sclérose des catégories’. Elle constitue l’un des modes d’existence et d’expression du Processus-Ego.
[13] En apparence opposés, mais énergétiquement de même nature,
[14] Voir Leçon n°24: Le Processus d’Intériorisation
[15] Voir Leçon n°19: J’aime-ça-j’aime-pas-ça (Je-veux-je-veux-pas)
[16] Voir Leçon n°18: Long Fleuve Tranquille
[17] Voir Leçon n°21: Qu’est-ce que l’Intelligence?
[18] Voir Leçon n°15: Les 9 Consciences