Introduction
La compréhension de l’articulation mentale nommé aveuglement spécifique constitue par excellence LA CLÉ d’accès à la Transformation Intérieure. Sans cette compréhension, pas d’intériorisation, pas d’accès aux dimensions immatérielles, pas de contact avec les domaines inconscients, pas d’individuation, pas de prise de conscience possible; le matérialisme spirituel peut rester un outil de plus au service de l’esprit ordinaire.
3 PIÈGES POUR ÊTRE CERTAIN DE ‘PERDRE’ À COUP SÛR: Qu’il s’agisse d’un jeu de carte, d’un jeu d’argent, du ‘jeu’ social, du ‘jeu’ amoureux, du jeu de la séduction, etc. ‘Perdre’ se produit chaque fois que je fonctionne en:
Ignorance: lorsque j’essaye de jouer sans avoir étudié les règles et/ou sans savoir qu’elles existent,
Confusion: lorsque je joue en n’ayant étudié qu’une partie des règles en croyant les avoir étudié toutes,
Aveuglement: lorsque j’ignore ma propre ignorance et ma propre confusion à propos de ce qui se passe.
Quelle que soit la situation dans laquelle je me trouve, si je ne peux pas voir la façon dont fonctionne mon esprit et en tenir compte pour m’adapter aux conditions extérieures, la probabilité de ‘perdre’ est considérable.
Définitions
Lorsque je dis: «je ne sais pas», au présent ou au passé, cette configuration mentale est appelée «ignorance».
Lorsque je dis: «je sais que je ne sais pas», ou «je sais i.m. que je ne savais pas» cette configuration mentale est appelée «conscience de l’ignorance».
Lorsque je dis «Elle ne sait même pas qu’elle ne sait pas», je parle à propos d’une sorte de parfaite inconscience dont une personne est victime et qu’elle ne peut absolument pas voir. Alors surviennent pour elle les confusions, les erreurs, les incompréhensions, et à la suite les désagréments, les contrariétés les malaises, les échecs et les ennuis. Cette inconscience est appelée pour ce motif «Ignorance de l’ignorance».
Elle porte aussi porte le nom technique de Aveuglement Spécifique pour rappeler que chacun(e) d’entre nous est conditionné par ses façons très personnelles d’être ‘aveugle’ et incarne avec son style particulier ce principe d’aveuglement que les humains ont probablement en commun avec les animaux.
Dans le « Vocabulaire des Psychothérapies », ouvrage collectif publié en 1977 chez Fayard, nous trouvons cette définition signée du Docteur Denise Lyard: «Formulée en 1950 par RolandCahen, la loi de l’aveuglement spécifique a été anticipée par la notion de scotomisation signalée par Freud, Jung, Steckel, Laforgue».
Dans le Dictionnaire étymologique Larousse (Alain Rey, 1995), nous lisons que le motscotomisation vient du grec skotôma [vertige], le verbe racine skotoun signifiant [couvrir de ténèbres, aveugler par un éblouissement]. Pour l’étymologie du mot «ténèbres», reportez vous à la leçon n° 11: États d’ivresse.
Lorsqu’il s’agit de «scotome» en médecine, il est question d’un «trouble de la vision qui masque une partie du champ visuel et, par analogie, une lacune dans la perception de fréquences sonores.»
Lorsqu’il s’agit de psychologie, Laforgue et Pichon (1926), ont forgé à partir du grec ce terme [scotomisation], pour traduire l’allemand [Verleugnung] qui signifie «déni» chez Freud. Ce terme de psychanalyse se dit du «rejet inconscient et sélectif, hors du champ de conscience, d’une perception, d’une réalité pénible pour le sujet». Ce qui se traduit dans notre vocabulaire courant par une formulation du genre: «Je (il/elle) ne veux pas le savoir»
Monique Leterrier, dans un article inédit, 2001, écrit à propos que «En toute généralité, on pourrait dire que l’aveuglement spécifique désigne le mécanisme [mental] par lequel tel ou tel trait de caractère, de comportement, de jugement, voire de fonctionnement n’est pas perçu, c’est-à-dire reconnu, par un sujet pour ce qui le concerne ou en ce qui concerne les autres proches ou lointains.»
En plus de cette définition européenne, Alfred KORZYBSKI, inventeur de la Sémantique Générale aux USA, a travaillé à partir d’une approche différente sur un concept plutôt voisin qu’il a nommé (en 1937) auto–mystification, ou encore auto-illusion.
Ces termes désignent notre capacité à devenir mal-percevant et mal-comprenant dès qu’il s’agit de prendre conscience de configurations internes ou externes qui dérangent nos opinions ‘personnelles’, nos croyances conscientes ou non, nos convictions ‘profondes’, nos ‘intimes’ certitudes, nos ‘grands’ principes d’existence, nos prémisses comporte-mentales, etc.
Du point de vue physiologique, notre œil humain comporte une tache aveugle, appelée la fovéa. Et en matière de conduite automobile, il importe de faire preuve d’une vigilance toute particulière sur l’angle mort à l’arrière de la voiture qui est connu pour générer très facilement des accidents.
Et enfin, la ‘Sagesse des Nations’ connaît pour sa part quelques proverbes du genre:
- Un poisson ne peut pas voir les parois de son bocal,
- Le plus clairvoyant des hommes ne peut pas voir ses yeux.
- Même le sage ne peut pas voir la montagne qu’il est en train de gravir.
- Tu vois la paille dans l’œil de ton voisin, mais pas la poutre qui est dans le tien.
- Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?
- ETC.
Étymologie: (à partir des préfixes a/an privatifs)
A-veugler: signifie priver de la vision
An-esthésier: signifie priver des sensations/perceptions
Ici, ‘tout’ n’est qu’erreur, désordre et confusion!
Confondre (étym: fondre ensemble), un état avec un processus, un concept avec une chose, confondre la source et le résultat, confondre la partie et le tout, confondre JE avec ME, confondre ‘le conscient’ et ‘la conscience’, confondre ‘l’inconscient’ avec une ‘personne’, confondre ON avec JE, confondre nos suppositions avec des certitudes, confondre nos observations avec nos inférences, confondre les niveaux d’essence et d’existence, confondre les niveaux verbaux et non verbaux, et j’en passe!
Telles sont les confusions ordinaires que produit l’emploi inconscient du langage courant pour tous ceux qui, comme nous, l’ont appris à l’école et ne soupçonnent guère que bien des malheurs d’existence qui leur arrivent trouvent leur source dans ces confusions.
Par définition, lorsque nous utilisons le langage courant, nous croyons qu’il ‘est’ efficace sans nous poser de questions, alors même qu’il fabrique de la confusion en quantité industrielle. La structure de nos façons ordinaires de parler/penser contient une bonne douzaine de graves défauts de forme et de structure qui constituent des sources d’erreurs importantes et répétées.
De ces pièges, nous sommes la plupart du temps inconscients parce qu’ignorants. Ces sources d’erreurs polluent nos perceptions, nos évaluations, faussent et dérèglent nos jugements, nos idées et nos théories, et finissent par perturber et désorganiser nos réalisations et nos communications internes et externes.
Et alors, me direz-vous? Eh bien, nos habitudes et nos éducations nous ont conditionnés dès notre plus jeune âge à ignorer cette réalité. Nous sommes très souvent les victimes directes et inconscientes de cette ignorance. C’est pourquoi Alfred Korzybski a nommé auto-mystification, ou auto-illusion (en 1937) le résultat de cette absence de conscience (c’est-à-direl’ignorance) du processus de confusion.
Les utilisateurs – que nous sommes – du ‘langage courant’ l’utilisent de façon automatique. Cette façon s’avère la plupart du temps inconsciente parce qu’elle fonctionne comme «une habitude qui a fait ses preuves et qu’il ne viendrait à l’idée de personne de remettre en question bêtement».
Par ailleurs, nous sommes censés ne pas observer nos habitudes et les laisser fonctionner sans nous en occuper, c’est à dire sans avoir conscience de leur fonctionnement. Ce genre d’attitude de principe alimente justement cette ‘articulation mentale’ bien connue des psycho-analystes, racine de tous les actes manqués du monde et qui s’appelle l’Aveuglement Spécifique.
En revanche, ne perdons pas de vue que ceux qui utilisent sciemment ces confusions pour profiter de l’ignorance générale sont appelés escrocs, manipulateurs, et que ceux là vivent aux dépens de ceux qui leur font aveuglément crédit et les croient sans vérifier dans les faits ce qui a été dit. De ce point de vue, la logique de A. Korzybski peut être globalement résumée de la façon suivante:
- La ‘réalité’ n’est pas des mots, (autrement dit, n’est pas d’ordre verbal).
(1ère prémisse de la SG) - Le langage courant représente ‘la réalité’ avec des mots, (verbalise à propos).
- Mais le langage courant contient de graves défauts de forme et de structure.
- Ces défauts constituent des mécanismes mentaux actifs, puissants et toxiques.
- Nous avons été habitués et formés à trouver ces défauts normaux et logiques.
- La formation (scolaire) a transformé ces mécanismes mentaux erronés en croyances.
- Ces défauts/croyances constituent des sources d’erreurs importantes et répétées.
- Ces sources d’erreurs constituent pour nous des facteurs d’aveuglement.
- Ces facteurs d’aveuglement nous font ignorer jusqu’à notre ignorance.
- Cet Aveuglement est dit Spécifique, car nos façons de voir ‘la réalité’ nous sont personnelles.
- Les mots et le langage courant ne sont pas le seul moyen de représenter ‘la réalité’.
- L’organisme tout entier crée en permanence des systèmes de représentation aux niveaux silencieux; pas avec des mots.
- Ces représentations silencieuses et les représentations verbales interagissent entre elles.
- Nos ignorances et aveuglements personnels nous amènent à commettre des confusions, des erreurs et parfois des fautes.
- Le prix humain et financier de l’ignorance de ces processus mentaux erronés peut être très élevé.
- La prévention et le dépistage des sources d’erreurs se font par expérience et entraînement.
- La connaissance de ces processus constitue un outil de gestion d’existence performant.
- L’accroissement de conscience qui en résulte améliore toutes les conditions d’existence.
Lorsque tombe la tuile, alors je dis «Si j’avais su…»!
Et c’est évidemment après coup que la prise de conscience, trop tardive, se produit. C’est alors que je dis: «Ah! Si j’avais su!» Certes, mais justement, à l’époque, je ne savais pas. Oui, mais justement, ce n’est pas un argument valable, ni recevable.
La règle de droit issue de notre code civil énonce justement que, dès lors que nous vivons en société, nous sommes tenus d’apprendre les règles du jeu pour ne gêner personne. En résumé, nous sommes obligés, nous devons savoir quoi faire et pour cela, nous devons apprendre.
Dans nos activités humaines d’adultes juridiquement responsables, (c’est-à-dire qui doivent réparer les troubles et dommages qu’il leur arrive de causer à autrui), il nous appartient de prendre les moyens personnels et préventifs d’examiner si nos modes de représentations de la réalité (nos cartes) sont suffisamment semblables à cette réalité (les territoires) pour que nous puissions les déclarer fiables, c’est- à dire, leur faire raisonnablement et consciemment confiance.
Lorsque nous ignorons ignorer les différences de structure entre carte et territoire, nous risquons chaque jour de payer le prix de cet aveuglement! Et certains remboursements se payent à long terme…
Trouble sémantique
Pour nommer les résultats de ces défauts de cohérence entre le langage et les faits, entre «carte» et «territoire» Korzybski a choisi le terme «trouble sémantique», ce qui signifie, un trouble du sens. Quand ce que nous avions prévu, imaginé, supposé, etc., quand ce à quoi nous avions cru de bonne foi ne se réalise pas, toutes nos constructions mentales à propos de «la réalité» s’effondrent et nous laissent en grand trouble (désorientés, plongés dans le plus grand désarroi).
La plupart du temps, notre esprit ordinaire est beaucoup plus avide de valider ses suppositions que d’observer les faits. Cette attitude infantile et métaphysique est caractéristique de l’aveuglement spécifique.
A la racine de tout cela, je détecte la peur de me trouver obligé de changer mes façons de voir le monde, et donc, mes façons de croire, penser, de parler, de me comporter etc., Bref, de mettre un terme à ma sclérose des catégories ordinaire. Ce terme a également été créé par Korzybski pour désigner ce processus de pétrification spirituelle (terme Tibétain), de résistance au changement (misonymie = terme de psychologie classique), d’oubli de Dieu (terme Soufi), etc., ce qui permet de comprendre comment la peur constitue la racine de la stupidité et de l’inadaptation.
L’inverse de cette configuration mentale s’appelle l’Esprit d’Éveil, qui fonctionne sur l’énergétique de l’apprentissage, de la découverte, de l’ouverture, de la transformation, du changement, de l’adaptation, etc.,
Lorsque nous fonctionnons en Esprit d’Éveil, nous sommes à l’affût des défauts de cohérence de ce fameux langage courant avec les faits, nous les traitons alors en tant que symptômes de dysfonctionnements objectifs. Cela permet de couper à la racine la production des sentiments toxiques d’impuissance, indignité et culpabilité.
L’étape suivante consiste à considérer que tous les désagréments, malaises, inquiétudes et contrariétés qui se sont produits jusque là doivent cesser de fonctionner comme des pièges de souffrance pour devenir de véritables sujets d’étude, d’exploration et de connaissance.
Anesthésie spécifique
L’aveuglement spécifique peut aussi être conçu et décrit comme une sorte d’anesthésie, (voire de paralysie) temporaire de la conscience, des modes de représentations et des modes de compréhension. Ses principes de fonctionnement que je viens de décrire sont dans leur structure parfaitement applicables à la conscience corporelle, ou plutôt, à nos inconsciences corporelles.
En temps ordinaire, au quotidien, il nous est presque impossible de percevoir que nous ne sentons pas ce qui se passe «dans notre peau». Ceci se produit tant nous faisons aveuglément confiance à notre «corps», et tant nous nous identifions à ses fonctionnements, même si ces derniers se révèlent parfois absurdes, aberrants ou conditionnés.
Le nom technique d’Anesthésie Spécifique rappelle donc que chacun(e) d’entre nous est conditionné(e) par ses façons très personnelles d’être aveugle sur ses dimensions de conscience organiques et corporelles et incarne avec son style particulier ce principe fondamental d’aveuglement.
«Je sais bien que je ne devrais pas me soûler, m’intoxiquer, me stresser, etc… Mais bon…» L’intellect seul ne suffit pas à combattre les addictions qui ont toutes comme but inconscient, mais fondamental, d’anesthésier tous les niveaux capables de ressentir nos souffrances petites et grandes.
Cet aspect n’est cité ici que pour mémoire et doit faire l’objet d’une leçon entière. Que cela ne vous empêche pas d’essayer d’appliquer les principes de connaissance que je viens d’exposer à vos propres processus d’anesthésie et d’aveuglement. Cherchez-les. Il y en a beaucoup! Nous avons été élevés, dressés de cette façon.
Révision 2016